Ukraine: la fabrique des héros
L’armée ukrainienne a juré cette semaine de venger son soldat qui, prisonnier, a été tué après avoir clamé « Gloire à l’Ukraine ! ». La vidéo de son exécution est devenue virale sur les réseaux sociaux. Le défunt était porté disparu dans la région de Bakhmout, théâtre d’une bataille acharnée, symbole de la ténacité des forces ukrainiennes. Ce soldat supplicié est devenu, en quelques jours, un véritable héros national. La fabrique des héros, c’est le thème de Lignes de défense avec Franck Alexandre. La vidéo ne dure que douze secondes : il y a ce soldat ukrainien, debout dans sa tranchée, il est désarmé, cigarette à la main, fixant son bourreau, et cette voix qui en russe dit : « Filme-le ! » La vidéo a fait le tour des réseaux sociaux, l’honneur de ce soldat courageux face à la mort, sachant son heure venue et clamant dans son dernier souffle « Gloire à l’Ukraine », c’est l’image d’un héros moderne analyse François Chauvancy, docteur en sciences de l’information : « Ce n’est pas lui qui a voulu être un héros, il a été un héros de circonstance et son sacrifice, car je pense qu’il se doutait de ce qui allait arriver. Il a assumé son engagement de défense de l’Ukraine jusqu’au bout en assumant une mort qu’il voulait la plus digne possible. Il y a d’abord le héros vis-à-vis de lui-même et puis aussi l’image qui peut rester derrière, sachant que je ne suis pas certain qu’il n’ait jamais pensé qu’il serait filmé et que ce crime de guerre soit diffusé dans les médias ou sur les réseaux sociaux. » ► À lire aussi : Stupeur après la diffusion d’une vidéo montrant un prisonnier ukrainien abattu par les Russes Chaque conflit connait ses mythes, les héros sont nécessaires insiste François Chauvancy, nécessaires pour soutenir le moral des combattants comme celui des civils : « L’acte d’héroïsme en quelque sorte, soit par son sacrifice personnel, soit par une action d’éclat, fait que cette exemplarité dans l’action représente quelque chose d’important pour une société en guerre. N’oublions pas que le héros, c’est un petit peu le geste chevaleresque, c’est David contre Goliath, c’est un contre un. Aujourd’hui, dans la guerre industrielle, on tue sans savoir et sans voir. Et, finalement, on réhumanise l’engagement guerrier, l’engagement personnel, dans un conflit et qui sert d’exemple. » Un nouveau souffle à l’esprit de résistance « Je ferai une remarque, je ne sais pas comment cette image est arrivée jusqu’à nous, à part qu’elle a transité par les réseaux sociaux. Il semblerait, effectivement, que ce crime de guerre ait eu lieu début février. Il sort à un moment critique où justement, à Bakhmout, les Ukrainiens ont beaucoup de difficulté et qu’un certain nombre de soldats se posent la question : pourquoi rester encore là alors qu’on se fait laminer par les Russes ? Et je dirais que là, le héros trouve tout son sens. Un simple soldat assassiné par les Russes, ça justifie tout à fait un engagement ultime de tous les soldats ukrainiens actuellement à Bakhmout. » Le président Volodymyr Zelensky a bien saisi la symbolique et a promis de trouver les assassins de ce soldat dont le portrait peint au pochoir recouvre désormais les murs des villes ukrainiennes assorti de la formule : « Gloire à l’Ukraine, gloire aux héros ».