Ramata-Toulaye Sy, réalisatrice de «Banel et Adama»: «Il y a beaucoup à apprendre sur les Peuls»
Elle monte les marches pour la première fois au festival de Cannes : la Sénégalaise Ramata-Toulaye Sy est en compétition pour son premier long-métrage Banel et Adama. Joué par deux acteurs non professionnels, Khady Mané et Mamadou Diallo, c'est l’histoire d’amour entre deux jeunes gens, dans un village peul. Tout s’effondre quand le mari, Adama, refuse de succéder à son père en tant que chef, car il rêve d’une vie à l’écart du village avec Banel. RFI : Être en compétition avec votre premier long-métrage au festival de Cannes, qu'est-ce que ça représente pour vous ? Ramata-Toulaye Sy : Beaucoup de fierté de présenter ce film sous la bannière du Sénégal, ce film qui se passe au Fouta, ce film qui est entièrement peul avec des acteurs non professionnels. Donc voilà, c'est une grande fierté de présenter ce projet de longue date en compétition au festival de Cannes. À l'annonce de votre sélection en compétition officielle à Cannes, est-ce qu'il y a eu beaucoup de réactions au Sénégal ? Énormément de réaction, et énormément de fierté, donc le président nous a félicités, le ministre de la Culture nous a félicités, c'était vraiment un honneur pour eux. Pour Banal et Adama justement, pour votre premier long-métrage, vous vouliez raconter une grande histoire d'amour qui serait à la fois ancrée au Sénégal et universelle ? Oui, je voulais une histoire de femme, où toutes les femmes puissent se reconnaitre, une histoire d'amour qui soit assez universelle et assez mythique et qui soit reconnue dans le monde entier. ► À écouter aussi : Au Festival de Cannes, des réalisateurs africains avec un autre regard sur le monde Face à Banal, Adama est un mari beaucoup plus effacé, beaucoup plus torturé entre son désir à lui de vivre pleinement son histoire d'amour et les besoins et les injonctions de la communauté, comment vous l'avez écrit ? En fait, c'est un personnage tiraillé, c'est drôle parce que Banal et Adama, ces personnages, tous les deux sont inspirés de moi. J'ai un côté Adama, d'être tiraillée entre ma double culture, et j'ai aussi un côté un peu folle de Banal, donc ces deux personnages sont vraiment inspirés, mais ce qui m'intéressait dans Adama, c'était de traiter une douceur chez l'homme africain. Vous avez tourné dans la région du Fouta-Toro, en peul, et qui est précisément la région dont vos parents sont originaires ? Oui, exactement. Donc ce n'est pas un hasard ? Non, ce n'est pas un hasard, c'est complètement voulu, c'est mettre honneur à cette culture, à cette région, mettre honneur à ce pays, parce que moi, j'ai grandi dans cette double nationalité en France, dans une tradition, une culture sénégalaise et peule, et il y a beaucoup de choses à dire sur eux, beaucoup de choses à apprendre sur cette culture et sur cette ethnie. Et je trouvais ça intéressant de la mettre un peu en avant. Quand vous avez commencé votre casting, c'était évident pour vous d'emblée que votre Banal et votre Adama seraient des acteurs non professionnels ? Non pas du tout, j'aurais bien voulu travailler avec des acteurs professionnels parce que c'est beaucoup plus facile, surtout dans ces films très auteur, avec pas beaucoup de budget, peu de temps, mais il y en a très peu. Il y en a au Fouta mais ils sont beaucoup plus dans le théâtre. ► À lire aussi : Festival de Cannes: qui est la Franco-Sénégalaise Ramata-Toulaye Sy, en lice pour la Palme d’or? Quand vous dites que vous êtes née et que vous avez grandi dans la double culture, qu'est-ce que ça veut dire ? Qu'est-ce que ça implique ? Un tiraillement comme Adama, un vrai tiraillement et c'est pour ça que j'écris ce scénario, moi, j'ai grandi en banlieue parisienne, dans le 95, mais dans une culture à la maison très ancrée dans la tradition. Et à l'école et à l'extérieur, on était très dans la culture occidentale et française, donc à un moment il y a un clash des cultures et comment vivre et comment exister à travers ces deux cultures ? Six films africains cette année en sélection officielle à Cannes et beaucoup plus si on compte les sections parallèles, c'est le signe qu'une nouvelle génération est en train d'éclore ? Oui, c'est une nouvelle génération, bien sûr. Dont vous faites partie ! Dont je fais partie, et j'en suis très fière. Mais c'est aussi un signe d'un intérêt, parce que le cinéma africain a toujours été là, il n'a pas disparu, il a toujours été là, toujours été présent, mais il y avait peu d'intérêt pour le cinéma africain de la part des pays occidentaux, et aujourd'hui, on voit un intérêt pour ce cinéma, et c'est ça qui est grandiose, c'est ça qui est extraordinaire. Donc le regard a changé ? Le regard a changé, il a mis du temps, et il a changé, et j'espère qu'il continuera à évoluer. ► À lire aussi : Ouverture du Festival de Cannes: ambitions et contradictions d’un monde en images et en mouvement