Gaël Musquet, à l'attaque des attaqueurs de voitures
Après avoir écouté cette chronique, vous ne fermerez plus jamais votre voiture de la même façon ! Imaginez... votre véhicule à l'arrêt qui, tout à coup, démarre sans personne au volant ! Peut-être alors penserez-vous à l'auteur de ce méfait, Gaël Musquet. Ce Français, originaire de La Guadeloupe où enfant, il a été frappé par la violence d'un ouragan, est aujourd'hui météorologue. Et il combine ses deux passions : la gestion du risque et l'informatique. Le tout, au service du transport. C'est d'ailleurs début avril, au concours de hackers (ou pirates informatiques) à Rennes en Bretagne, que Gaël Musquet a créé l'événement. Rencontre. RFI: pour prendre le contrôle d’une voiture, vous êtes entré à distance dans les systèmes des outils connectés… Quels outils ? Gaël Musquet : ce n’est pas compliqué ! Cela va de la clé, des pneus, de la radio, des rétroviseurs. Aujourd’hui tous ces outils sont connectés aux serveurs des constructeurs et des équipementiers. Un professionnel comme moi peut passer par les câbles qui sont à l’arrière de vos rétroviseurs ! Et le téléphone portable ? Évidemment ! C’est même l’outil par lequel il est le plus facile pour un hacker de prendre les commandes. Imaginez un peu, lorsque vous conduisez que ce soit en Wi-Fi ou via le Bluetooth pour écouter la radio ou votre musique. Tout, je dis bien tout, passe par votre téléphone puisqu’il vous permet de téléphoner en conduisant sans lâcher le volant. Mais ces piratages de véhicules individuels, de Mr et Mme Tout Le Monde, paraissent encore très rares de nos jours, non ? Détrompez-vous ! Ils existent et la tendance, avec les commandes de plus en plus dématérialisées (fermetures des portes avec le téléphone…) ne va qu’augmenter. La raison principale de pirater une voiture aujourd’hui, c’est de la voler à distance, en ouvrant les portes ! Pour cela, le pirate informatique a réussi à pénétrer le système. Il peut donc s’emparer des commandes de votre clé. D’autant plus si vous utilisez votre téléphone, comme cela existe, par exemple, pour fermer votre voiture. Vous craignez de futures attaques, voire même des piratages massifs de véhicules. Des opérations venant de groupes mafieux et de terroristes. Mais pour arriver à quoi ? Il y a plusieurs formes de risques. Imaginez la catastrophe d’une avalanche d’accidents de la route. Ou bien modifier les directions des véhicules. Ou bien encore l’arrêt total de la circulation. Le blocage des autoroutes. Cela dépendra du but recherché par les cybercriminels. Paralyser une ville entière, c’est aujourd’hui possible ? Oui ! C’est en tout cas un risque. Il suffit que des pirates parviennent à pénétrer dans le système d’un véhicule lui-même connecté au serveur du constructeur qui est lui-même relié aux autres automobilistes. Arrêter tous les véhicules (voitures, camions…) en s’emparant de leur GPS (Système de guidage routier) ce n’est pas de la science-fiction, c’est aujourd’hui possible et ça le sera d’autant plus demain, avec les voitures autonomes ou plus connectées encore qu’elles ne le sont aujourd’hui. Donc, si je comprends bien, vous pouvez pirater une voiture rien que par la présence des téléphones portables ou des ordinateurs des passagers ? La seule présence dans la voiture suffit… Exact. D’où l’importance, dites-vous, de prévenir les professionnels mais également le grand public, ces Mrs et Mmes Tout le Monde ! C’est mon combat ! Le combat de tous les hackers qui, comme moi, travaillent au service de la population, des consommateurs. Mais alors, quels conseils pour empêcher ce piratage à distance ? Les mêmes qu’avec les gestes simples qu’il faut utiliser avec votre ordinateur ou tablette à la maison ! Ne pas cliquer sur n’importe quel mail, ne pas ouvrir des liens inconnus sur internet… Des précautions à avoir en tête tous les jours. Comme une toilette de salle de bain. D'ailleurs, les experts comme vous, parlent d’hygiène informatique… Comme le brossage des dents ! C’est la même chose ! Une fois que vous aurez pris l'habitude, c'est ensuite un jeu d’enfants ! Le principal est de se poser la question en apercevant une adresse ou un mail inconnus. Vous allez éditer des fiches en France, destinées au grand public. Oui, il faut vraiment que la génération de nos enfants soit avertie des risques. Il s’agit d’inculquer les réflexes de base qui rendent plus difficile les vols ou les attaques de véhicules. Autre exemple, pour les clés d’une voiture, il existe dans le commerce des protège rayonnements… Sur le modèle des protège cartes bleues de la banque ? Oui ! C’est aussi utile de savoir qu’on peut acheter ces accessoires qui freinent la vitesse d’effraction d’une voiture, exactement comme un anti-vol, il faut freiner la vitesse et la facilité de pénétration d’une voiture pour contrer les hackers. Est-ce le marché du transport autonome (bus, taxis, voitures, camions, avions, trains, drones…) qui vous donne le sentiment d’une telle urgence ? Oui. Même si le trafic autonome n’est pas pour tout de suite. Il arrivera un jour. Et en attendant, il y aura des étapes. Nous ne devons pas laisser des failles s’installer auprès des constructions de ces nouvelles voitures ou camions ou train, avions, navires… Tous les types de transport sont donc concernés ? Tous sans exception ! Les pirates du transport s’attaquent aux nouveaux drones sortis sur le marché comme aux simples voitures, tous les types de transports sont visés. Les dernières grosses attaques en mer contre des navires de Fret (transport de marchandises) ont donné lieu à des demandes de rançons. Par effet domino, l’action de ces bandes criminelles va toucher tous les clients qui ont des biens sur ces bateaux. L’une de vos autres préoccupations concerne les locations de voitures. C’est l’une des portes d’entrée favorites des pirates. Dès que vous entrez dans la voiture, si vous voulez accéder au GPS ou au Bluetooth, l’ordinateur de la voiture va vous demander une connexion à votre téléphone. Dans ce cas-là, il faut refuser ? Évidemment ! D’autant plus si vous avez vos mails professionnels ou des données sensibles dans votre I phone. Pourtant, en 2017, la France a crée un Observatoire des Transports Intelligents, cela veut-il dire qu’il n’a servi à rien ? Sans aller jusque-là, je dirai qu’en France, il manque la culture du risque cyber ! Le grand public ou les constructeurs de moyens de transport ? Les deux ! Il faudrait (comme c’est le cas chez nos voisins européens, en Allemagne par exemple) réunir tous les acteurs de la chaîne. Du constructeur, au mécanicien, en passant par l’équipementier. Pour les former aux risques. Ensuite, ils décideraient des systèmes de pare-feu, afin d’empêcher les vols. Cela modifierait la façon de concevoir leurs véhicules. La France est-elle en retard par rapport aux européens ou pays du monde ? Vraiment en retard oui ! Aux USA, ou ailleurs en Europe, on peut voir les constructeurs prêter des voitures aux hackers ! Ces concours poussent les pirates comme moi à trouver les failles des voitures. Les constructeurs, eux, gagneraient du temps. Donc de l'argent en évitant des erreurs et des risques de devoir refaire des modèles. Pour qui travaillez-vous aujourd’hui ? Pour l’industrie automobile. Pour la marine marchande, pour le secteur spatial avec le CNES (Centre National d’Etudes Spatiales. Mais aussi pour le ministère de la Défense. Les militaires sont les premiers intéressés. Ils sont très ouverts pour avertir les populations. Je travaille pour le ministère de la Défense, une collaboration très efficace. Parlons de votre avenir. Vous allez mettre à profit votre expérience au sein du nouveau cyber campus de Puteaux, près de Paris. J’en suis très heureux. C’est une nouvelle école où les jeunes peuvent se former aux risques d’attaques informatiques. Il s’agit du transport comme des bâtiments sensibles ou des nouveaux outils qui vont toucher notre vie de tous les jours (maison, transport, ville…) C’est assez cocasse. Mais c’est en réalité votre métier de météorologue qui vous a poussé vers le hacking. Pirater pour empêcher d’être piraté ! C’est tout à fait ça ! Peut-être est-ce lié à mon enfance en Guadeloupe. Dès l’enfance, j’ai été traumatisé par la violence des ouragans. Du nombre de morts humains et de dégâts matériels qu’ils peuvent faire. J’ai fait le mix, la météo couplée à ma seconde passion, l’informatique !